Introduction
Alors qu’historiquement l’opéra est soumis à une stricte économie de marché – le public forme la condition de survie de l’entreprise théâtrale –, l’introduction du financement public, via la subvention, a reconfiguré les relations entre le théâtre, le public et l’État. En effet, Jacques Rouché a englouti sa fortune personnelle dans la gestion de l’Opéra de Paris, dont il fut directeur entre 1913 et 1945, jusqu’à la transformation de celui-ci en établissement public en 1939, et l’abandon corollaire du régime de la concession[1]. Si l’on peut noter la forte implication des pouvoirs publics dans le financement des maisons d’opéra – en moyenne 70% pour les institutions de province –, l’équilibre budgétaire reste précaire : ainsi, en 2013, l’étude de la Réunion des Opéras de France, basée sur 25 opéras, révèle une baisse sensible du produit, en raison d’une baisse des subventions, obligeant à supprimer un certain nombre de levers de rideau. Malgré cette chute d’activité, le taux de fréquentation globale est cependant en hausse[2]. Par ailleurs, la logique de service public, qui a présidé à l’extension des subventions publiques au sortir de la Seconde Guerre mondiale, induit un souci d’accessibilité, porté par l’ensemble des établissements culturels. C’est pourquoi, les opéras doivent faire face un double défi : économique – maintenir l’équilibre budgétaire et dégager le maximum de marges budgétaires pour produire des spectacles – et politique – veiller à la diversification du public et à son renouvellement. Enfin, tout en tenant ces deux exigences, ils doivent répondre à l’impératif de l’exigence artistique, au cœur de l’intervention historique de l’État en matière culturelle.
La production de La Cenerentola de Rossini, dans une reprise de la mise en scène de Jérôme Savary, forme un excellent « cas[3] » pour interroger ces différents enjeux ; elle permet de rendre compte des spécificités de l’économie de l’opéra en France et d’observer les manières concrètes de résoudre les tensions nées du croisement entre enjeux économiques, enjeux politiques et enjeux artistiques. Ce « cas » est d’autant plus intéressant que l’Opéra de Rennes, en régie municipale, est le plus petit opéra de France[4].
L’économie de l’opéra en France : un secteur sous tensions
Si le secteur du spectacle vivant est marqué par des caractéristiques économiques singulières, l’économie de l’opéra en accentue certains traits. Ainsi, le premier élément distinctif est l’importance des coûts fixes, en particulier des dépenses en personnel (salaires des personnels artistiques[5], technico-artistiques et administratifs), qui constituent 67% de l’ensemble des charges[6]. Le secteur du spectacle vivant est victime de ce qui est désormais connu sous la dénomination de « loi de Baumol ». L’analyse des économistes William Baumol et William Bowen[7] s’appuie sur une étude de terrain, dont certaines données empiriques remontent à la fin du XIXe siècle ; elle s’attache à comprendre l’organisation générale du secteur des arts de la scène aux États-Unis, à partir d’une clé d’entrée : l’existence de deux secteurs économiques, l’un qui bénéficie de gains de productivité en raison des avancées technologiques (l’invention, par exemple, du travail à la chaîne ou celle de la machine à vapeur) et l’autre, qualifié d’ « archaïque », qui ne peut dégager de gains substantiels sans risquer de dénaturer le produit. Le spectacle vivant fait partie de ce secteur « archaïque », puisque, en effet, on ne peut faire jouer plusieurs rôles aux comédiens ou faire interpréter plus vite un concert. Les économistes poursuivent le raisonnement en expliquant que l’augmentation de la productivité induit une augmentation générale des salaires (afin de continuer d’attirer la main d’œuvre) : le secteur « archaïque » répercute cette augmentation sans pour autant avoir dégagé des gains de productivité, ce qui explique l’augmentation globale des coûts dans le spectacle vivant. La conclusion partielle du raisonnement – celle que le secteur culturel se plaît à diffuser et à invoquer – est que sans subvention, le secteur du spectacle vivant est appelé à disparaître en raison de cette « maladie des coûts », qui conduit à un déficit inéluctable[8], puisque les charges augmentent sans que les recettes ne viennent les compenser.
La seconde particularité économique du spectacle vivant repose sur le fait que sa demande est restreinte, contrairement aux industries culturelles qui bénéficient d’une demande large, propre à la culture de masse. On sait, depuis les travaux de Pierre Bourdieu[9], que la consommation culturelle est liée à des facteurs socio-économiques (niveau d’instruction, position socio-professionnelle, capital culturel hérité…) et qu’il demeure difficile de diversifier la composition sociale des publics[10], malgré les efforts de démocratisation de la culture des collectivités publiques et des établissements culturels[11]. L’opéra, plus encore que le théâtre, pâtit d’une image élitiste, héritée de la pratique de cour, réservée à l’aristocratie – faut-il cependant ici rappeler le succès populaire de l’opéra en Italie, sa patrie d’origine ? Ainsi, si 23% des Français se sont rendus au moins une fois dans leur vie à l’opéra, ils ne sont que 4% à y être allés au cours des douze derniers mois – contre respectivement 58% et 19% pour le cas du théâtre professionnel. De même, la structure par âge et par niveau de diplôme marque, pour l’opéra, une surreprésentation des spectateurs ayant un diplôme de niveau Bac+4, étant âgés de plus de 55 ans et habitant Paris ou des métropoles de plus de 100 000 habitants[12]. Cette volonté de changer les regards sur l’opéra – qui, grâce à la musique, peut parler émotionnellement à chacun, ainsi que l’exprime Frédérique Lombart[13] – a motivé depuis les années 1980 des politiques volontaristes pour le rendre plus accessible, tant par la programmation que grâce à une politique tarifaire adaptée et à des actions de médiation ciblées[14]. Pourtant, malgré ces efforts, la rigidité des coûts fixes de production et la faiblesse de l’élasticité prix[15] contraignent les maisons d’opéra à limiter le nombre de représentations, puisque les coûts de production sont impossibles à amortir.
Enfin, il faut souligner que le spectacle vivant forme une économie de prototype : on ne peut garantir le succès d’une production. C’est pourquoi, le choix de programmation demeure si crucial : une œuvre du répertoire aura plus de chance de rencontrer un large public, y compris néophyte, qu’une création contemporaine qui risque de n’attirer que les connaisseurs et les experts.
La reprise et la coproduction : une double réponse aux enjeux économiques de la production
Comme souvent – voire toujours – les choix de production articulent des niveaux décisionnels qui peuvent sembler antagonistes : sensibilités personnelles, hasard des rencontres, ambition artistique, désir de geste artistique singulier versus contraintes budgétaires et techniques, intérêts économiques, négociations financières[16]… Le montage de la production de La Cenerentola repose sur plusieurs éléments, qui se mêlent et s’entrecroisent, souvent de manière informelle, où surgit le rôle décisif du directeur, Alain Surrans, qui assume une fonction tout à la fois artistique et managériale. Apparaît dans un premier temps le désir commun de Frédérique Lombart et d’Alain Surrans de remonter un opéra mis en scène par .Jérôme Savary, dont Frédérique Lombart fut sa collaboratrice. Alain Surrans avait été marqué par cette mise en scène[17] ; il fait alors coïncider son « expérience intime » et son « expérience professionnelle », en choisissant de remonter cette production. Second élément : l’adéquation entre le caractère de cet opéra – opéra populaire, susceptible de rassembler un large public – et la manifestation « Opéra sur écran(s) », dont la quatrième édition se tient en juin 2015. Enfin, une troisième dimension intervient : l’amitié qui lie le directeur artistique de l’Opéra national de Slovénie et Alain Surrans. Le désir de monter un projet conjoint est alors facilité par la dimension sensiblement identique du plateau de l’Opéra de Rennes et de celui de Ljubljana. Ces trois éléments mêlent déjà désir artistique, faisabilité économique et enjeu social ; c’est la nécessité de faire coïncider ces trois dimensions qui justifie les choix de production.
En effet, comme nous avons pu le souligner dans la première partie de cette réflexion, le principal problème pour l’économie de l’opéra réside dans l’importance des coûts de production : la reprise et la coproduction sont des réponses concrètes à cette difficulté. La reprise, permettant d’économiser le coût de construction des décors et des costumes, mais aussi de limiter le nombre de répétitions, s’avère une formule plus économique. Grâce aux supports vidéos, il est possible de préparer précisément les déplacements des chanteurs, les consignes à leur transmettre quant au jeu attendu et de prévoir les ajustements scénographiques et techniques. Généralement, il est plus aisé de maîtriser un tel budget que celui d’une création, où, par définition, il n’est pas possible d’anticiper les « problèmes » qui se posent au fur et à mesure de la production[18]. Mais pour La Cenerentola, cette attente de maîtrise budgétaire a été déçue, puisque l’Opéra de Rennes, qui s’est porté acquéreur auprès de la compagnie de Jérôme Savary de l’ensemble des décors et des costumes suite au déclassement de la production par l’Opéra de Paris[19], a finalement constaté que les premiers avaient été détruits[20] et que nombre de costumes devaient être refaits[21] : ce qui devait être une production à petit budget est devenu une grosse production, qui a conduit à des arbitrages budgétaires concernant la programmation prévue pour la saison 2014-2015 et qui a rendu la coproduction d’autant plus nécessaire[22].
La coproduction permet, en effet, de partager à plusieurs les coûts et les risques[23]. De plus, les capacités de construction de décors étant limitées à l’Opéra de Rennes en raison de la polyvalence du personnel (les mêmes professionnels assurent la construction et la machinerie sur le plateau les jours de représentation), la coproduction avec l’Opéra de Slovénie permettait de trouver une solution pour assurer une partie de la production, dans le cadre d’un contrat de réciprocité sur deux spectacles[24]. Il faut ici souligner l’importance de la phase de construction des décors : il fallait en effet adapter les plans et le rendu esthétique voulu par le décorateur aux contraintes spécifiques de la salle de l’Opéra de Rennes, qui souffre d’une absence de dégagements et dont le plateau est de modeste taille[25]. Il s’agissait également de concevoir un décor au maniement le plus simple possible, permettant d’offrir une « longue vie[26] » au spectacle, tout en permettant de répondre aux exigences de la mise en scène qui comprend plusieurs « précipités[27] ». Coordonnée par le directeur technique de l’Opéra de Rennes, Raphaël Bourbon, la construction des décors s’est révélée particulièrement lourde pour La Cenerentola, en raison, d’une part, de l’éloignement entre le commanditaire et les exécuteurs et, d’autre part, de la présence d’un acteur supplémentaire : l’atelier de peintres à Venise, responsable de la réalisation des toiles destinées à être tendues sur les châssis réalisés à Ljubljana, avant d’être assemblés à Rennes pour les premières représentations. En lien avec l’administratrice, Claire Pommier, le directeur technique doit veiller à ce que les budgets afférents à la construction des décors restent dans l’enveloppe préalablement affectée. Une fois achevée, la production entre alors au répertoire de l’Opéra de Rennes, qui la fait tourner, sous forme de location[28], dans d’autres opéras[29]. Elle sera également représentée à Ljubljana, mais avec la troupe et l’orchestre permanents de l’opéra lituanien[30].
Le souci d’économie, qui contribue à expliquer le recours à la coproduction, s’exprime également dans la gestion du temps.
La gestion du temps : un paramètre fondamental de la production
Le temps constitue, en effet, un élément capital de la gestion de production ; en raison du nombre important de professionnels sollicités, il est nécessaire d’établir des plannings les plus serrés possible. C’est valable pour la fabrication et la construction des décors, costumes et accessoires, mais l’enjeu est particulièrement aigu au moment des répétitions, qui rassemblent l’ensemble des protagonistes du spectacle, qui sont, par nature, beaucoup plus nombreux qu’au théâtre (musiciens, chanteurs solistes, chœur, équipe artistique, équipe technique…). Le temps court de répétitions – quinze jours – pour La Cenerentola répond à cet enjeu économique de la gestion de la production.
Contrairement au théâtre, où le metteur en scène rencontre les comédiens très en amont, la rencontre se fait à l’opéra au début du temps des répétitions, à l’occasion de la « musicale[31] ». En revanche, les chanteurs ont l’obligation, par contrat, de connaître leur rôle et de savoir le chanter avant le début des répétitions. Le premier temps – ici une semaine – est consacré au travail de mise en scène, le seul accompagnement musical étant assuré par le clavecin[32] : pour La Cenerentola, les chanteurs ont eu la chance de pouvoir occuper le plateau dès le début des répétitions[33]. Le second temps est consacré au travail vocal, avant l’arrivée des musiciens de l’Orchestre de Bretagne et la mise en œuvre définitive du spectacle, sous la conduite du chef d’orchestre[34]. Si Frédérique Lombart aime travailler vite[35], il faut tout de même reconnaître le caractère périlleux de ce moment, où l’ensemble des éléments du spectacle doit se mettre en place dans le même temps et dans un souci de cohérence : réception et installation des décors sur le plateau, réglages des lumières, mise en scène, réglages techniques, mise en place vocale et musicale… Précisons également qu’en raison d’un retard concernant la fabrication des toiles peintes, les derniers éléments du décor (et notamment le palais) sont arrivés le jour des premières répétitions, ce qui a obligé l’équipe technique à mener de front le montage et les finitions des décors, alors que les répétitions se déroulaient sur le plateau[36].
Ainsi, en raison du caractère extrêmement serré des délais de montage et de répétitions, l’ensemble du travail est tendu par un souci d’efficacité. La gestion des ressources humaines repose, en effet, sur un principe d’autonomie et de responsabilité : une fois les plans de charge établis[37], chaque professionnel sait quelle est sa mission. Dans ce cadre, tout changement par rapport aux plans ou maquettes et aux indications formelles de mise en scène ne peut se justifier que par une difficulté d’ordre technique : la période de répétitions ne constitue pas un temps expérimental au plateau, où le metteur en scène, avec les acteurs, peut proposer et tester des dispositifs avant de s’arrêter sur celui qui lui paraît le plus juste artistiquement. L’intention artistique est définie bien en amont du temps des répétitions et le metteur en scène est contraint de privilégier l’efficacité sur l’affirmation d’un éventuel « désir artistique » ; se joue ici une des spécificités de la production à l’opéra, par rapport au théâtre – même si l’économie du théâtre, rattrapée par des contraintes budgétaires fortes, n’offre plus des conditions de création totalement mues par des enjeux artistiques, comme cela avait pu être le cas après le doublement du budget du ministère de la Culture au cours des années 1980, restées dans les mémoires comme « l’âge d’or des politiques culturelles »[38].
En dehors de ces contraintes budgétaires, qui influencent la genèse de la production de La Cenerentola, ainsi que les conditions pratiques de répétitions, se joue également un défi politique ambitieux, qui a trait à la diffusion et à l’accessibilité de l’opéra.
La médiation : un enjeu de service public
Si l’objectif de toute maison d’opéra est de veiller à des taux de remplissage les plus élevés possibles, ce n’est pas seulement pour garantir le plus haut niveau possible de ressources propres[39] ; il s’agit également de répondre à la mission d’intérêt général générée par la notion de service public. C’est pourquoi, l’Opéra de Rennes, malgré un taux de fréquentation de 95% pour les trente soirées lyriques programmées chaque saison[40], s’attache à diversifier les modalités de réception et d’accessibilité de sa programmation. Outre une politique de médiation envers divers publics, et notamment les publics dits « empêchés » et/ou « éloignés »[41], l’Opéra de Rennes s’est tourné vers les nouvelles technologies pour toucher un vaste public et ainsi augmenter son audience, mais aussi pour développer des actions de médiation en profitant des innovations numériques.
Depuis 2009[42], l’Opéra de Rennes organise tous les deux ans la manifestation « Opéra sur écran(s) », consistant à multiplier et à mutualiser les diffusions audiovisuelles et radiophoniques d’un opéra représenté en direct dans la salle rennaise. Le 5 juin 2015, pour la dernière représentation, ce sont 14 écrans (en plein air ou en salle) répartis dans toute la Bretagne, qui diffusent en simultané La Cenerentola. Des médias locaux, régionaux et nationaux relaient l’événement, par une diffusion différée ou en direct. En tout plus de 10 000 personnes ont suivi l’événement[43].
Dans la suite des manifestations précédentes[44], des expérimentations numériques sont proposées au public en partenariat avec divers partenaires et prestataires, spécialistes de l’image et du son[45] : application multivues sur tablette tactile[46], plateau de captation de production de contenus innovants en 2D, 3D et réalité augmentée, expérimentation du son Wave Field Synthesis (WFS)[47] en direct dans la salle des Champs-Libres à Rennes, possibilité de parcourir virtuellement l’Opéra en visite immersive… Le déploiement de ces technologies numériques forme un support pour organiser des actions de médiation physique en faveur de divers publics (Centre pénitentiaire des femmes de Rennes, Pôle de médecine physique et de réadaptation Saint-Hélier de Rennes, Service onco-pédiatrique de l’Hôpital Sud, personnes en situation de handicap visuel ou moteur…) ; il permet également, selon Rozenn Chambart, secrétaire générale de l’Opéra de Rennes, de « casser l’image de l’opéra », de le « désacraliser » en faisant découvrir l’art opératique à des publics qui ne franchissent pas – encore – les portes du bâtiment de l’Opéra de Rennes. Ces initiatives autour de La Cenerentola apparaissent alors comme une réponse au vieillissement du public de l’Opéra car il contribue à former le public de demain.
Pour conclure, le « cas » de La Cenerentola rend compte des efforts menés par la profession et l’institution pour encadrer les risques intrinsèques à toute production artistique. Il témoigne également de l’intrication des enjeux politiques, économiques et artistiques. Contrairement à la théorie de « l’art pour l’art », à l’origine de l’autonomie du champ artistique, décrite par Pierre Bourdieu dans Les Règles de l’art[48], l’opéra reconnaît et assume l’articulation entre ambitions artistiques et contraintes économiques. Plus encore, la question même de la reprise d’une mise en scène interroge la doxa du théâtre d’Art, qui fait du metteur en scène « l’instance décisive » du geste créateur et le responsable principal de l’interprétation de l’œuvre[49] ; le rôle du directeur se révèle ici capital, sa sensibilité nourrit des choix de programmation, mais aussi des choix de distribution et, plus généralement, des orientations artistiques, qui, au théâtre, pourraient relever des attributions du metteur en scène.
Marion Denizot
Maître de conférences HDR en Études théâtrales
Université de Rennes 2 – Université européenne de Bretagne
Équipe d’accueil 3208 : « Arts : pratiques et poétiques »
[1] Voir Xavier Dupuis, « De l’œuvre aux maîtres d’œuvres », Du théâtre, n°10, automne 1995, p. 49-61.
[2] Voir les données statistiques disponibles sur le site de la Réunion des Opéras de France, http://www.rof.fr (site consulté le 23 novembre 2015).
[3] Voir Jean-Claude Passeron et Jacques Revel (dir.), Penser par cas, ou comment remettre les sciences sociales à l’endroit, Éditions de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2005 et Jacques Revel (dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard/Seuil, 1996.
[4] Inauguré en 1836, l’Opéra de Rennes dispose d’une salle à l’italienne de 642 places, avec un plateau de 215 m2 de surface, pour une largeur de 16,40 m et une profondeur de 13 m. L’Opéra de Rennes dispose d’un budget de moins de 4 millions d’euros, avec 32 salariés permanents.
[5] Contrairement à l’Allemagne ou aux pays de l’Est, les opéras français ne disposent pas de personnels artistiques permanents (solistes, chœur ou orchestre).
[6] Source : Enquête annuelle 2013 effectuée sur le 25 opéras de la Réunion des Opéras de France.
[7] William Baumol et William Bowen, Performing Arts : The Economic Dilemma, New York, Twentieth Century Fund, MIT PRess, 1966.
[8] L’économiste Xavier Dupuis a montré les limites de l’étude de William Baumol et William Bowen. Il a également souligné les aspects paradoxaux de l’usage politique de ce modèle économique, qui appelle à la subvention publique, alors que la conclusion finale du raisonnement des économistes américains montre que le secteur archaïque absorbe les gains de productivité des secteurs productifs et donc, risque, à terme, de détruire toute possibilité de croissance. Voir Xavier Dupuis, « De la légitimité de l’intervention publique », Théâtre/Public, n°207, janvier-mars 2013, p. 56-61.
[9] Voir Pierre Bourdieu et Alain Darbel (avec Dominique Schnapper), L'amour de l'art. Les musées d'art européens et leur public [1966], Éditions de Minuit, 1969 ; Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, La reproduction. Éléments pour une théorie du système d'enseignement, Éditions de Minuit, 1970 ; Pierre Bourdieu, La Distinction, Critique sociale du jugement, Éditions de Minuit, 1979.
[10] Voir les résultats des « Enquêtes sur les pratiques culturelles des Français », menées depuis 1973 par le ministère de la Culture : http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr.
[11] Voir Laurent Fleury, Le TNP de Vilar. Une expérience de démocratisation de la culture, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Res Publica », 2006 ; Le cas Beaubourg. Mécénat d’Etat et démocratisation de la culture, préface Bernard Stiegler, Armand Colin, 2007 et Sociologie de la culture et des pratiques culturelles, Armand Colin, 2nde édition augmentée, 2011.
[12] Sources : « Chiffres Clés 2013 », publiés par le ministère de la Culture et de la Communication. Il faut ici souligner le poids prépondérant de l’Opéra national de Paris (Opéra Bastille et Opéra Garnier) qui draine à lui-seul environ un tiers des 2 millions de spectateurs.
[13] Voir l’entretien avec Frédérique Lombart.
[14] Voir Anne Veitl et Noémi Duchemin, Maurice Fleuret : une politique démocratique de la musique (1981-1986), Comité d'histoire du ministère de la Culture et des institutions culturelles, La Documentation française, 2000.
[15] En effet, l’amortissement des coûts de production ne peut se répercuter sur les tarifs de billets d’entrée, sous peine d’entamer la part de demande solvable.
[16] Christophe Delhoume, délégué de production, note qu’en dehors de l’adéquation de l’œuvre avec la salle, le choix de la programmation est guidé par un critère économique, qui accompagne systématiquement les choix artistiques. Il rapporte qu’une saison se construit en fonction de différentes contraintes : respect du cahier des charges (nombre de levers de rideau, type de spectacles et articulation entre répertoire connu et opéras plus confidentiels) ; enjeux de médiation (parcours artistique, représentations pour les scolaires...) ; budget disponible et, tous les deux ans, choix pour la programmation de la manifestation « opéra sur écran(s) ». Entretien de Marion Denizot avec Christophe Delhoume, 12 mai 2015.
[17] Voir l’entretien avec Alain Surrans.
[18] Voir l’entretien avec Christophe Delhoume.
[19] La Cenerentola a été créée à l’Opéra de Genève en 1993 puis reprise au cours de la saison 2002 à l’Opéra de Paris. Une fois que la production ne fait plus partie du « répertoire » de la maison d’opéra, elle est « déclassée ».
[20] Il a donc fallu reconstruire les décors à partir des maquettes du décorateur Ezio Toffolutti, en les adaptant aux dimensions plus réduites du plateau de l’Opéra de Rennes.
[21] La nécessité de refabriquer des costumes ou d’en réparer d’autres s’est également accompagnée de la découverte que l’ensemble des chapeaux était manquant, ce qui a obligé à augmenter l’enveloppe budgétaire consacrée aux costumes et accessoires. Voir l’entretien avec Anne-Céline Hardouin.
[22] Voir l’entretien avec Alain Surrans.
[23] La coproduction se définit par la mutualisation de moyens financiers (soit sous forme numéraire, soit par la mise à disposition pour réaliser des décors, des costumes, des accessoires…) entre plusieurs partenaires en vue de la réalisation d’un spectacle. La coproduction se fait sur l’investissement. Chaque coproducteur embauche le plateau artistique et règle les droits d’auteurs pour chacune des représentations.
[24] Le contrat de réciprocité prévoit la création d’un opéra à Rennes et d’un autre opéra à Ljubljana, avec des représentations dans chacun des deux lieux. Entretien de Marion Denizot avec Claire Pommier et Christophe Delhoume, 12 mai 2015.
[25] Ce travail d’adaptation technique a été réalisé par un bureau d’études sur la base des photos de maquettes et des vidéos de captation du spectacle lors des représentations précédentes. À l’Opéra de Rennes, les éléments de décors sont montés sur chariot, contrairement au décor original, dont les différents éléments étaient prévus pour monter et descendre des cintres. Voir l’entretien avec Sébastien Bourdon.
[26] Voir l’entretien avec Raphaël Bourdon.
[27] Le « précipité » est un changement de décors qui doit être exécuté très rapidement, en 20 ou 30 secondes.
[28] La location d’un opéra inclut les décors et les costumes. La distribution artistique (vocale et musicale) peut changer. L’Opéra de Rennes est propriétaire de la production de La Cenerentola, qui a été entièrement refaite.
[29] La Cenerentola a d’ores et déjà été louée à l’Opéra de Tours, où elle a été représentée en janvier 2016.
[30] En effet, la coproduction ne suppose pas de reprendre l’ensemble de l’équipe vocale et musicale. Pour le cas de La Cenerentola, le contrat de coproduction mentionne, en revanche, l’obligation de faire intervenir Frédérique Lombart pour la mise en scène et de garder les éclairages d’Alain Poisson. Voir l’entretien avec Christophe Delhoume.
[31] La musicale permet aux producteurs de vérifier la pertinence des choix de distribution et au metteur en scène et au chef d’orchestre d’appréhender les singularités de chaque chanteur.
[32] Cet accompagnement au clavecin a été assumé sur cette production par la chef de chant, qui joue également pendant les récitatifs durant les représentations.
[33] Le régisseur général, Sébastien Bourdon, précise qu’en raison de la contraction temporelle, « [ils sont allés] au plus simple » : les répétitions se sont déroulées dans l’ordre des actes et des scènes. Voir l’entretien avec Sébastien Bourdon.
[34] Une convention de réciprocité et de mise à disposition lient l’Opéra de Rennes et l’Orchestre de Bretagne : l’Opéra de Rennes s’engage à mettre sa salle à disposition pour un certain nombre de concerts présentés par l’Orchestre de Bretagne et l’Orchestre de Bretagne s’engage à un certain nombre de représentations en tant qu’orchestre de fosse, dans le cadre de la programmation de l’Opéra. Entretien de Marion Denizot avec Christophe Delhoume, 12 mai 2015.
[35] Frédérique Lombart note également la nécessité de ne pas « user » les chanteurs pour un spectacle de comédie. Voir l’entretien avec Frédérique Lombart.
[36] Voir l’entretien avec Raphaël Bourdon.
[37] C’est le directeur technique qui assure ce travail de coordination.
[38] Voir l’entretien avec Thierry Seguin à propos des Oiseaux.
[39] Les subventions représentent 81% des produits des 24 opéras de la Réunion des Opéras de France (hors Opéra de Paris), tandis que les ventes et les recettes propres en constituent 15%, dont 75% sont apportés par la billetterie. Source : Enquête annuelle 2013 de la Réunion des Opéras de France.
[40] Source : Bilan fait par l’Opéra de Rennes sur « La Cenerentola sur écran(s), 5 juin 2015 ». La jauge de l’Opéra de Rennes est de 642 places.
[41] Ces expressions désignent les personnes qui n’ont pas l’habitude de se rendre régulièrement dans les salles de spectacle, pour des raisons physiques, économiques, géographiques et/ou symboliques.
[42] Don Giovanni en 2009, L’Enlèvement au sérail en 2011, La Traviata en 2013 et La Cenerentola en 2015.
[43] Source : Bilan fait par l’Opéra de Rennes sur « La Cenerentola sur écran(s), 5 juin 2015 ».
[44] Voir la présentation détaillée réalisée par Rozenn Chambard, secrétaire générale de l’Opéra de Rennes, à l’occasion de la rencontre « Médiation et numérique dans les équipements culturels », organisée les 13 et 14 octobre 2015 à la Maison des arts de Créteil, par le ministère de la Culture et de la Communication. Dossier disponible sur le site internet de l’Opéra de Rennes et vidéo de l’intervention disponible sur Dailymotion, consultation le 7 novembre 2015.
[45] Ces expérimentations ont été développées gratuitement par divers prestataires (dont Artefacto, Orange Lab ou le Centre de Ressources et d’Études Audiovisuelles de l’université de Rennes 2), dans le cadre du partenariat avec l’Opéra de Rennes, qui assure, à l’occasion de l’événement « opéra sur écran(s) », une action de mise en valeur de ces applications.
[46] En 2011, l’expérimentation autour de L’Enlèvement au sérail propose une retransmission simultanée sur tablette tactile avec des contenus et des informations complémentaires disponibles.
[47] Ce système, en projetant dans l'espace des « hologrammes sonores » ou sources virtuelles, offre de nouvelles propriétés perceptives.
[48] Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Éditions du Seuil, coll. « Libre Examen », 1992.
[49] Voir l’article de Laura Naudeix.